La (petite) histoire repasse-t-elle les plats ? et jusqu'à quel point ?

«Ignorer le passé, c'est se condamner à le revivre». Mais on a beau ne pas l'ignorer, on a parfois l'impression que repasse, élection après élection, le même scénario. Notamment en ce qui concerne la présentation à tout prix d'une liste POP, comme lors des élections cantonales de 1998 et de 2002, ou de l'élection à la Constituante en 1999, qui fait l'objet de la lettre d'archive ci-dessous. Quelles ont été les conséquences de cette présentation? quelles peuvent-elles être aujourd'hui ?

Quelques chiffres

En 1997 (élections communales), à Vevey, ni le POP, ni Les Verts n'étaient présents, comme lors des élections communales passées; solidaritéS fit 6.01% et le PS 39,33%.

En 1998 (Grand Conseil), le POP fit 3,38% sur le district (3,84% à Vevey, pas d'élu) alors que solidaritéS [1] faisait 3.70% (7,24% à Vevey, pas d'élu), Les Verts 7,09% (5,1% à Vevey) et le parti socialiste 26,94% (33.04% à Vevey).

En 1999 (Constituante), le POP fit 3,1% sur le district (3,64% à Vevey, pas d'élu) alors que solidaritéS faisait 7,85% (11,74% à Vevey, 2 élus) et Les Verts 10,4% (9.03% à Vevey). Il faut dire que le PS avait fait un mauvais résultat avec 21,43% (28,5% à Vevey).

En 2001 (élections communales), à Vevey, ni le POP, ni Les Verts n'étaient présents; solidaritéS fit 10,77% et le PS 34,6%.

En 2002 (Grand Conseil), le POP fit 2,7% sur le district (3,25% à Vevey, pas d'élu) alors que solidaritéS (avec plusieurs candidats aujourd'hui sur la liste Alternatives à Vevey) faisait 4,08% (7,54% à Vevey, pas d'élu), Les Verts 10,58% (8.63% à Vevey) et le PS 26,74% (32,06% à Vevey). On peut imaginer que sans la candidature du POP, solidaritéS aurait pu avoir un élu.

Sur le plan communal, on peut ainsi faire quelques constats:
• le total des voix «de gauche» connaît l'évolution suivante: 1997: 45,34%[2]; 1998: 51.74% [3]; 1999: 52,91%; 2001: 45,38%; 2002: 51,50%. On voit que les résultat des élections communales est sensiblement plus bas (6-7%) que celui des élections cantonales, ce qui suggère qu'un certain nombre d'électeurs ne se déplacent pas quand leur parti préféré n'est pas en lice, et ne reportent pas leurs suffrages sur les partis dits proches;
• dans le cadre des élections cantonales (1998, 1999, 2002) le POP n'a jamais dépassé le quorum [4] sur la commune de Vevey. Il n'en est pas de même dans le cadre des élections nationales, où le dit vote utile ne servait guère solidaritéS;
• Les Verts, par contre, sont systématiquement au-dessus du quorum;
• depuis 1997, solidaritéS-MPS-Alternatives dépassent également le quorum, sauf aux élections nationales, y compris dans le configuration actuelle des candidatures, c'est-à-dire en présence de listes POP et Verts.

Tout reste donc ouvert !

Bien évidemment, ce chiffres ne disent pas tout ! Les résultats du 12 mars ne sont pas inscrits dans un ensemble de soustractions et d'additions. La composition des listes, la campagne, les propositions jouent - heureusement – leur rôle. Voter pour la liste verte de Vevey 2006 n'est pas voter pour une liste verte au niveau du district en 2002. Quant au POP, aucun des candidats 2006 ne l'a été pour le POP dans la région, il n'y a donc aucune continuité. De plus, le facteur «Vevey libre» vient encore brouiller les cartes, ainsi que la més-entente du reste de la droite.

Contrairement à ce que l'on entend parfois murmurer, le «pire» (tout est relatif !) n'est donc pas certain. Il est même possible que tous les partis en lice «à gauche» passent finalement le quorum. Cela manifesterait un progression non-négligeable du POP, qui voudrait dire que son «hold-up» sur le nom «solidaritéS» lui a rapporté. Et que le vote Vert se fixe sur un nom de parti, et non sur une liste, plutôt faible. Mais à l'inverse, il est aussi possible que le scénario «à la genevoise» évoqué dans nos propositions de liste ouverte faite au POP comme aux Verts se réalise, et que la guillotine du quorum frappe une, deux voire trois listes. La seule façon de l'éviter est de convaincre, encore et toujours de la justesse de nos propositons et de l'utilité, passée et future, de notre présence au Conseil communal.

Comme souligné dans la lettre de 1998 ci-dessous et dans la proposition sus-mentionnée, ce n'est pas la perte de sièges en elle-même qui serait le plus rageant. Mais le fait qu'à ce stade de la campagne tout au moins, aucune proposition originale et construite, justifiant qu'elle soit portée par une liste à part, n'a été faite aux citoyen·ne·s par les listes verte ou POP. Et que, comme par le passé, cette campagne ne servira vraisemblablement pas pour ces deux partis à inscrire dans la réalité de la cité un groupe actif, mais tout au plus à faire émerger des personnalités en vue des prochaines élections cantonales.

Tout le monde en saura plus au soir du 12 mars. D'ici-là, en campagne !

 

Lettre au POP, 16 décembre 1998

Vous avez déposé une liste pour les élections à la Constituante dans l’arrondissement de Vevey, quatrième liste de la « gauche plurielle», deuxième liste de la gauche qui se définit comme combative. C’est à mon avis regrettable du point de vue du renforcement de cette gauche combative. Je ne conteste aucunement le droit du POP de se présenter devant les électeurs, s’il estime avoir quelque chose à dire, que nul autre ne dit, et ce quelles que soient ses chances en termes de résultat électoral. Ce qui fait problème, à mon avis, c’est les circonstances de votre présentation et ses consé­quences.

Dans la région, le POP n’existe pas comme parti. Il ne contribue que très peu aux campagnes lors des échéances importantes comme le référendum contre la loi sur le travail, n’a quasi aucune activité autonome, n’est présent électoralement dans aucune commune de la région. solidaritéS, par contre, malgré toutes ses limites, incarne une gauche combative, alternative, ouverte mais ferme sur les principes; en ville de Vevey d’abord – avec une intervention régulière et une présence depuis plusieurs législatures au Conseil communal – mais aussi, dans la mesure de ses moyens, dans le reste de la région.

La dernière échéance électorale en date – les élections cantonales – a mis en relief ces faiblesses du POP. En résumé: présentation à tout prix, malgré les difficultés à rassembler une liste crédible; campagne très faible, assumée par une ou deux personnes seulement; résultat bien infé­rieur aux espérances (3,4 %); démoralisation et disparition de la région de la tête de liste; aucun acquis, aucune continuité, ce qu’illustre le fait que, parmi celles et ceux qui s’étaient alors engagés, quasi personne n’a accepté de « rempiler»pour la Constituante.

Fin octobre 1998, des milieux, plus larges que solidaritéS, ont proposé que soit mise sur pied une liste large exprimant la résistance à l’offensive conservatrice. Tout pouvait être discuté, du nom de la liste aux candidats en passant par le programme. La proposition était parfaitement transparente et sincère. Elle a été adressée à une septantaine de personnes de la région, parmi lesquels ceux qui avaient été candidats au Grand Conseil sous le label Gauche en Mouvement, ainsi que deux de vos actuels candidats à la Constituante. De cette démarche est issue, la liste « solidaritéS et solidaires», dont 50 % des 12 candidats ne sont pas membres de solidaritéS. Mais rien n’empêchait de franchir cette barre et de présenter plus de candidats.

Il est certain que, dans vos démarches pour rassembler les candidats, vous avez eu connaissance, à un moment ou à un autre, de cette proposition. Vous avez refusé d’en tenir compte, refusé même de prendre contact avec les signataires, et décidé de présenter une liste POP, quelles qu’en soient les conséquences. Quand on constate de surcroît que dans plusieurs arrondissements, dont Aigle, le POP et Les Verts font liste commune, on peut légitimement se demander pourquoi l’alliance, possible avec les Verts, serait impossible avec solidaritéS. Ce paradoxe a pourtant une explication: de même qu’il y avait le parti unique, stalinien, de la classe ouvrière, le POP veut être « l’unique opposition», la seule représentation politique de la gauche combative, et ne tolère pas le pluralisme « à la gauche de la gauche».

Cette attitude sectaire n’est pas propre à la région. Mais ici, elle peut faire perdre à la gauche combative le siège qu’elle avait de bonnes chances d’emporter dans l’arrondissement de Vevey, avec des candidats de valeur et prêts à la représenter dignement dans un débat de fond quant à l’avenir du canton et de la société. On peut de surcroît déjà  parier, sur la base du scénario des élections cantonales, que cela ne rapportera même rien au POP. Telle est la responsabilité politique que vous avez prise, et à laquelle seront associés ceux qui ont accepté d’être candidats sur votre liste. Dommage.

Alain Gonthier

1. Voir «qui sommes-nous»
2. Se présentait en 1997 «l'inclassable» Patrick Maday, avec un résultat de 6,03%
3. Est compris dans ce total la liste Rassemblement Suisse-Europe (Anne Catherine Lyon, centre-[gauche])
4. Pourcentage minimum de voix (5%), au-dessous duquel le parti concerné n'obtient aucun siège. Ces suffrages sont comme annulés, dans la mesure où ils ne sont même pas pris en compte dans l'apparentement, et ne profitent pas aux autres partis apparentés.

Retour à l'accueil
Haut de page