Château de l'Aile

Vision globale… ou pacte privé ?

«Nous avons une vision globale pour ce site» proclame le promoteur Gumy; «ils ont élaboré une vision d'ensemble» lui répond l'écho municipal, par la bouche du syndic Ballif (Le Régional, 13 avril 2007). Derrière le slogan, qu'y a-t-il ? Juste un autre slogan, le «développement durable» – en passe de devenir un de ces incontournables ectoplasmes du discours politiquement correct – qui permet d'aligner sur le même bâton les noix d'un restaurant bio avec produits du terroir, le label minergie pour les bâtiments, un centre de formation audit développement durable, un site internet et… un festival des arts numériques dans le rôle du célèbre raton-laveur.

Mais concrétement, que reste-t-il ? Un projet peut-être habilement construit – solidement et durablement c'est une autre affaire – pour utiliser le bâtiment destiné à remplacer l'actuel Restaurant du Rivage. Mais où est la cohérence entre cela et la rénovation du Château de l'Aile à des fins d'habitation luxueuse ? Quel est le lien, –  architectural, logique, fonctionnel –, qui justifie que les deux volets – Château de l'Aile et parcelle du Restaurant du Rivage – soient indissociables ? Pratiquement, le sort de l'actuel restaurant du Rivage n'influence en rien sur la possibilité de rénover le Château de l'Aile et d'y habiter. Et inversément, que le Château soit ou non rénové ne change pas grand chose à l'utilisation d'un restaurant ou d'un centre de formation à l'autre coin de la parcelle, ni d'ailleurs à celle de la salle Del Castillo. Relevons que ce n'était pas le cas dans le projet hôtelier-congrès des années 90, où les deux bâtiments devenaient des hôtels constituant une ensemble avec la salle Del Castillo (un cinq étoiles au Château, un trois étoiles à la place du Rivage), ni dans le projet «Constantin», où il était clairement affirmé que l'immeuble à construire servirait à rentabiliser la rénovation du Château.

Par contre, les synergies sont évidentes entre la salle Del Castillo et le bâtiment du Restaurant qui lui fait suite, sous sa forme actuelle ou future. Pour preuve, c'est dans le nouvel immeuble privé qu'on prévoit d'insérer le foyer nécessaire à la Salle Del Castillo. La logique fonctionnelle voudrait donc que ces deux bâtiments soient entre les mains du même propriétaire, la commune. Le projet prévoit de plus l'insertion, dans cet immeuble privé, d'une crèche pour laquelle la ville serait locataire, voire de «trois salles à disposition des sociétés locales… qui resteront propriété de la ville» (Le Régional, 13 avril 2007 – mais ces salles n'apparaissent ni dans d'autres articles, ni dans le préavis officiel…). Autant dire qu'une large partie des surfaces seront d'utilité publique, et qu'on voit mal pourquoi elles devraient être en propriété et en gestion privée.

Comme tout lien financier entre les deux aspects principaux du dossier est nié par M. Gumy («La partie du Rivage [n'est pas] pour nous une mesure compensatoire qui rentabiliserait l'opération» Le Régional, 13 avril 2007), on reste en panne d'explication. On peut imaginer qu'un pacte d'association, issu des circonstances de la présentation de l'objet immobilier Château de l'Aile à l'acheteur par le promoteur, a été conclu entre MM Grohe et Gumy, de sorte que chacun y trouve son compte, le nouvel immeuble «Rivage» constituant alors une forme de «commission» immobiliaire. Ce serait alors le rspect de ce pacte qui empêcherait une dissociation, par ailleurs en tous points logique.

Globalement, ce qu'on peut voir dans cette affaire, c'est des privés adossés à un paquet de millions prétendre qu'ils sont mieux à même de définir ce qui est bon pour la collectivité que les citoyen·ne·s, et la capitulation sans combat et sans imagination de «l'autorité publique». Heureusement qu'on a une Municipalité à majorité de gauche… (AG, 17 avril 2007)


Vous trouverez ci-dessous le raport de minorité que notre groupe à déposé à l'issue des travaux de la commission du Conseil communal.

Rapport de minorité sur préavis 5/2007

Comme en témoignent les procès-verbaux de séance, nous avons fait une proposition de renvoi à la Municipalité pour nouvelle étude, selon l’article 49 al. 2 de l’actuel règlement du Conseil communal. Nous ne retrouvons pas cette proposition, et peu ses motivations, dans le rapport [majoritaire] de la commission.

Vu l’importance du sujet et les délais extrêmement brefs, la façon la plus simple de régler le problème nous a semblé être de produire un court rapport de minorité.

Nous ne revenons évidemment pas sur la composition de la commission, ni sur les informations données par les divers interlocuteurs de la commission, qui nous semblent correctement rapportées.

Notre proposition de renvoi à la Municipalité est due au fait que ni le projet municipal tel que présenté dans le préavis, ni l’alternative constituée par l’amendement majoritaire de la commission ne nous satisfont.

Partie «restaurant»

Nous partageons une série de critiques émises au sujet de la partie «restaurant». Le flou du projet, tant du point de vue architectural que de son utilisation future a été relevé dans le rapport.

Il faut aussi constater que [ce projet] aboutit à la suppression sans claire compensation des salles de réunion existantes (salle des Vignerons, salon rouge, salon vert). L’éventualité de loger une salle de société dans la salle del Castillo (à l’emplacement du futur-ex-Baobab) est évoquée par le rapport principal, mais il semble exclu d’y disposer des surfaces équivalentes aux surfaces actuelles. Or elles nous semblent nécessaires à l’animation sociale, culturelle et politique de notre ville. Les salles que l’on peut louer à des tarifs souvent peu accessibles dans certains établissements privés ne sauraient les remplacer.

Si l’on ajoute au restaurant, au foyer nécessaire à la salle del Castillo et à la crèche, prévus dans le projet municipal, des salles de société de même dimension qu’actuellement, on doit bien se rendre compte que la surface de plancher d’usage public est majoritaire dans le volume constructible possible à cet emplacement (3 étages et demi, voire 4, sur les 6  prévus). Que la commune soit propriétaire d’un tel immeuble est très loin d’être une aberration.

De plus, les synergies – architecturales et d’utilisation – avec la salle del Castillo seraient facilitées, sans conventions compliquées entre propriétaires différents aux intérêts parfois divergents. On doit aussi se demander comment il se fait que «l’impérieuse nécessité de disposer des dépendances et du parc du Château pour réaliser les extensions indispensables au fonctionnement de la salle del Castillo» soit devenue si peu impérieuse…

De ce point de vue, l’amendement majoritaire de la commission est, en lui-même, raisonnable et doit être soutenu comme un moindre mal.

Partie Château

Comme le rappelle le rapport principal de la commission, le projet qui justifiait en 1988 l’achat du Château se fracassa sur les écueils de la crise immobilière. Depuis, les municipalités successives ont poursuivi – vainement – dans la voie de la revente du château et d'une partie plus ou moins grande de la propriété communale à l'arrière du Jardin du Rivage. Aucun usage public n'a été sérieusement étudié, l’accord avec un acheteur-miracle étant perpétuellement « à portée de main ».

Le projet actuel présenté par le Municipalité se situe dans cette continuité. Divers projets, énumérés dans le préavis municipal, n'ont pas sérieusement été étudiés quant à leur potentiel intérêt pour la collectivité, mais écartés d'un revers de manche par la mention « non-financés ». La Municipalité nous avait promis que le conseil communal et la population auraient le choix. En fait, la démarche municipale ne nous laisse que l'alternative entre vendre à un privé et… vendre à  un privé.

Précisons qu'il ne s'agit pas – et ne s’est jamais agi pour nous – de mettre en cause la personnalité de l'acheteur prévu, ni la qualité architecturale du projet de rénovation du château.

Nous sommes d’autre part bien conscients qu'un projet d'utilisation publique ou partiellement publique du château de l'Aile n'est pas simple à élaborer. Nous avons notamment enregistré qu'une destination muséale est rendue difficile par la nature d'objet de musée du bâtiment lui-même, et qu’il n’y a pour l’heure pas de demande de la part de musées existants pour s’y déplacer.

Nous savons par contre qu'une partie de la population regrette de voir ce  monument symbolique de Vevey partir – ou repartir, peu importe – entre des mains privées, et aurait souhaité ne pas en être exclue à jamais. Nous pensons qu'il aurait fallu tenir compte de son avis, en recherchant des  possibilités d'aller à sa rencontre, plutôt que de se fermer à toute autre solution que la vente et à tout autre critère que financier.

On pourrait par exemple imaginer un restaurant dans le rez avec terrasse sur le quai (comme dans le projet des années 90), une partie du premier étage – qui ne pose pas de problèmes de renforcement des planchers – réservée à des usages officiels – et donc ouverte, occasionnellement au moins, au public – et la location aux prix du marché du reste des surfaces. Peut-être un tel projet est-il pharaonique, en regard de son utilité réelle pour la collectivité. Mais pour le savoir, il faudrait étudier, même sommairement, les conséquences d’un maintien en mains publiques de ce bâtiment.

Un «plan B» pour le pari de la majorité de la commission

L’étude d’une alternative à la vente du château est pour nous une nécessité démocratique : sur ce dossier comme sur d’autres, ne pouvoir dire que OUI ou NON rappelle plus un plébiscite impérial qu'un débat démocratique digne de ce nom, avec la possibilité d'un choix.

Mais cette étude est à notre avis nécessaire aussi pour éviter un choix contraint sur l’ensemble du préavis. L’amendement de la majorité de la commission propose d’accepter le projet Amsler-Grohe pour le château, en le dissociant de la vente de la parcelle du «restaurant». Sauf que, à ce stade, cette dissociation est refusée, et que la majorité de la commission fait le pari, sans filet, qu’elle sera acceptée après le vote du Conseil.

Nous proposition de renvoi permet donc qu’un « plan B » soit établi, qui étudie le maintien de la propriété communale sur l’ensemble du secteur. Le conseil communal, et le cas échéant la population, auraient ainsi en main les éléments nécessaires à un choix informé et à une discussion digne et donc démocratique.

Conclusion

C’est pourquoi nous vous prions, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, de renvoyer le préavis 5/2007 à la Municipalité pour nouvelle étude, selon l’article 49 al. 2 du règlement du Conseil communal et, pour cela, de refuser l’entrée en matière selon l’article 100 dudit règlement.

Pour le groupe Alternatives, Camille Murisier

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