Quelques réponses aux arguments des référendaires, n° II

Pensée unique ?

Sur un blog – confidentiel [1] – Jacques Décosterd, membre du comité référendaire écrit, sous le titre «Préambule nécessaire»: «Il faut aussi dire aux opposants de ne pas jouer avec les peurs des Veveysans. Il faut dire qu'il n'y aura pas de coupe dans les secteurs touchant aux domaines social et familial. Il faut dire enfin qu'il est tout à fait possible de réduire de deux points le taux d'imposition et de conserver une bonne qualité de vie dans cette ville».

Evidemment, si les partisans du maintien du taux d'imposition à 77 obéissaient à J. Décosterd, et disaient la même chose que les référendaires, la politique veveysanne serait considérablement simplifiée ! Mais nous avons justement le malheur de ne pas être d'accord avec ces affirmations, et pensons l'avoir clairement et honnêtement expliqué.

La poutre dans son oeil…

Un peu plus loin, le même bon apôtre nous invite à éviter «la simplification du propos [qui] est malheureusement chose courante aujourd'hui. Un message simple et percutant est ce qui semble être porteur. Quelques explications sont pourtant nécessaires et indispensables. On ne peut pas se contenter de simplisme ou de mots clés. Être clair et circonstancié, ça intéresse tout autant la population.»

Ainsi, Jacques Décosterd reproche aux partisans du maintien du taux d'imposition à 77, qui ont au moins fait l'effort de publier «une foison de journaux partisans», d'être «simplistes». Alors qu'aucun document des référendaires n'a jamais, au mieux, dépassé la page A4 et quelques affirmations non argumentées ! On hésite entre inconscience et mauvaise foi !

Nous avons pour notre part toujours privilégié l'explication et l'argumentation, plutôt que le slogan, quitte à être parfois un peu longs. Alors continuons, et examinons les écrits des référendaires. Il devrait y en avoir de nouveaux, ou de plus développés, puisque «la campagne du "NON", favorable à la baisse d'impôts, s'intensifie à Vevey», et qu'elle «entre dans sa deuxième phase» (communiqué du 18.02.10)

Les plus et les moins de l'administration des impôts…

«A la suite d'une erreur de calcul du Canton, la commune de Vevey a dû rembourser un excédent d'impôts de 8,5 mios perçus à tort, à hauteur de 3,5 mios pour 2007 et 2,5 mios par an pour 2008 et 2009. 2,5 mios correspondent aux 2 points de ré­duction d'impôts demandés par le comité référendaire. Depuis 3 ans la commune s'en passe et les comptes sont bénéficiaires. Aucune coupe ne sera nécessaire». (Document officiel joint au matériel de vote)

Déjà présent dans la «première» phase de la campagne référendaire, cet argument, pour être répété, n'en est pas moins faux, et ce pour trois raisons:

a. Même sans erreur de ce genre, la situation financière varie considérablement d'une année à l'autre: recettes exceptionnelles, retards de taxation, emprunts arrivant à échéance… Si les dépenses devaient s'adapter chaque année aux recettes, il serait infernal de gérer une commune ! L'équilibre s'établit – ou non – sur plusieurs années. Dans le cas particulier, les excédents d'impôts encaissés ont amélioré la situation financière de la commune, ce qui a contribué à ce que la diminution des recettes, au moment où sont intervenus les remboursements au Canton, se passe sans dégâts.

b. Les mécanismes de compensation cantonaux ont évidemment réagi à cette variation des recettes [2], tout d'abord en augmentant les montants à charge de Vevey pour les années où elle avait perçu trop, puis en corrigeant cela par un remboursement – à son tour – du trop-perçu. Ce qui fait que l'augmentation de recettes comme leur diminution ont été plus faibles que leur montant brut. Dans la réalité, la baisse des recettes pour ces trois dernières années n'a donc pas atteint les 2,5 millions qu'avancent les référendaires.

c. Enfin, il est faux de comparer une diminution temporaire de recettes, même sur trois ans, avec une baisse du taux d'imposition: une fois celle-ci installée, c'est pour de nombreuses années (qui peut croire qu'il serait facile de ré-augmenter ce taux ?). Ses effets s'additionneraient année après année, et contraindraient à choisir entre augmenter la dette, couper dans les dépenses régulières ou renoncer à certains investissements.

Les «10 points» de 1999… qui étaient 8… et qui n'on rien à voir ici

«En 1999, pour faire face à la crise du milieu des années 90, la commune a fait appel à ses citoyens en augmentant le taux d'imposition de 10 points. La dette d'alors était supérieure à 140 mios et est passée au niveau acceptable de 95 mios en 2008. Maintenant que la situation est rétablie, la commune se doit d'en rendre une partie à ceux qui l'ont aidée.» (Doc officiel)

C'est LE nouvel argument par rapport à la phase de récolte. Sur le blog cité plus haut, les référendaires n'ont rien inventé de mieux, et se bornent à le reformuler légèrement.

Or il est ridicule ! Depuis 1999, la répartition des charges et des recettes entre communes et canton a été complétement bouleversée par l'opération EtaCom, conduisant à la «bascule des impôts» (effective au 1er janvier 2004, avec le passage du taux communal veveysan de 100 à 77) et à une nouvelle péréquation (entrée en vigueur en janvier 2006). Il y a eu de plus un important report de dépenses sur les communes. Oublier cette rupture est au mieux une erreur, au pire une manipulation.

De plus, si les trois mousquetaires étaient quatre… les dix points des référendaires étaient… huit ! En 1998, le taux d'imposition était à 92 (dont 2 pour les pompiers); en 1999, il a passé à 100: + 8 et non + 10. A nouveau: erreur ou manipulation ?

Enfin, l'idée que la commune doit «rendre aux contribuables la part qui leur revient» (comm. 18.02.10) dénote une étrange conception des rapports entre citoyens et institutions politiques. Comme si les impôts étaient des prêts, et non les contributions qui permettent la vie des collectivités publiques.

«Les nouveaux mendiants de Vevey»

Le PLR, les Libéraux-Radicaux, est entré dans la deuxième phase de la campagne pour le "NON", favorable à la baisse d'impôts, à travers un dessin de presse intitulé "Les nouveaux mendiants de Vevey" qui recentre le débat de la campagne sur ce sujet communal, […] et fustige ces mendiants d'un nouveau genre, assis sur leur tas d'or et qui osent encore réclamer davantage aux familles et aux contribuables. (comm. 18.02.10)

L'autre nouveauté, c'est ce «dessin de presse», grossier et mensonger.

NON, la commune de Vevey n'est pas assise «sur un tas d'or»: la dette – dont les partis de droite ont fait un épouvantail durant des années – est toujours là, même si elle a diminué, et que les référendaires la déclarent soudain «acceptable».

Et NON il n'est pas question le 7 mars de «réclamer davantage», d'augmenter les impôts, mais de les maintenir au même niveau pour ne pas être contraint à renoncer à des projets ou à des services indispensables à la ville et à ses habitant·e·s.

Grossier et mensonger…

La «vérité» d'Alternatives…

Pour l'occasion, nous avons vu apparaître une foison de journaux partisans partant du papier de centre gauche de Vevey Libre à la Pravda d'extrême gauche d'Alternative. Ils affirment tout et son contraire, présentent ou justifient un fouillis de projets déjà concrétisés ou à réaliser n'ayant aucune mesure avec la réalité d’aujourd’hui. Le discours est tellement confus ou alarmiste qu'il en perd toute sa crédibilité. (comm. 18.02.10)

Merci du compliment ! «La Pravda – nous ne sommes pas responsables de ce que d'autres, ailleurs, ont fait de ce titre… – d'Alternatives», c'est «La “vérité” d'Alternatives». C'est bien de la part des référendaires de reconnaître que nous disons la vérité…

Quant aux critiques des «journaux partisans», ce serait encore mieux d'essayer de les argumenter ! Si nous affirmons «tout et son contraire», si nous présentons «un fouillis de projets […] n'ayant aucune mesure avec la réalité d’aujourd’hui», si notre discours est «tellement confus ou alarmiste qu'il en perd toute sa crédibilité», ce devrait être facile de nous contrer ! Or depuis de bientôt trois mois que nous avons distribué notre premier document, les référendaires n'ont pas émis le plus petit début d'une réponse à notre présentation de la situation et à nos arguments.

Faillite, qui a dit faillite ?

«A lire et entendre les opposants, la faillite sera imminente si le taux baisse.» (JD)

Pure et simple invention ! Où Jacques Décosterd a-t-il pu lire ou entendre ces fariboles ? Pas chez nous en tout cas !

Moins d'impôts, c'est plus d'emplois…

La plus chère de la Riviera…

Sur ces deux thèmes pas grand chose de nouveau. Nous y avons répondu pour l'essentiel dans Quelques réponses aux arguments des référendaires (1)

Les référendaires ajoutent que Vevey connaît «les charges par habitant les plus élevées (Vevey: 6381, La Tour-de-Peilz: 5361, Montreux: 5697)». Ce chiffre est obtenu en divisant les charges totales par le nombre d'habitants. Mais pour faire une comparaison qui ait un sens – et ne soit pas une vérité partielle et donc un mensonge –, il faudrait calculer les charges nettes, c'est-à-dire tenir compte d'une part de la péréquation intercommunale et de la facture sociale, d'autre part des tâches que Vevey accomplit sur mandat du Canton ou des communes de la région. Dans les deux cas, des charges supplémentaires sont inscrites dans les comptes de la commune, mais elles ont leur pendant, partiel ou total, du côté des recettes. Avoir une vision exacte de cet aspect serait compliqué. On peut cependant donner l'exemple du Centre social intercommunal: dans les comptes 2008, il pèse 3'146'700.– de charges, soit 178.– par habitant·e·s. Mais la facture réelle pour la commune, une fois comptabilisés les remboursements des communes et du canton, n'est que de 15'427.–. soit 0.87 franc par habitant·e·s !

Des dépenses hors contrôle ?

Le budget de la commune est passé de 93 mios en 2005 à 128 mios en 2010 (+ 35 mios soit 37.6% d'augmentation). Une telle hausse est malsaine.

A nouveau, des chiffres partiels qui induisent en erreur. Pour la même période, la plus forte augmentation, pour les dépenses comme pour les recettes, concerne les rapports avec les «autres collectivités publiques»: les charges à payer dans ce domaine ont passé de 18,7 millions à 30,7 millions (+ 12 millions), et les recettes prévues de 12,8 millions à 32,9 millions (+20,1 millions) ! Ce seul poste représente donc plus du tiers de l'augmentation totale des charges. Et de plus, pour la première fois en 2010, les recettes en ce domaine dépassent les dépenses ! Quant au reste de la croissance budgétaire, elle a de multiples raisons, dont l'augmentation de la population n'est pas la dernière. Pour pouvoir dire sérieusement que la hausse des chiffres totaux du budget est «malsaine», il faudrait donc y aller voir de plus près ! Ce que les référendaires n'ont évidemment pas fait.

Ces trois dernières années, cette augmentation du budget a notamment financé un certain nombre de gaspillages et des investissements hasardeux:
- Immeuble EPA Unip (19 mios non prévus au budget votés en 30 minutes)
- Immeuble Les Vergers 10,5 mios
- La commune a dépensé en «crédit d'étude» 2,2 mios en 2007 - 2, 1 mios en 2008 et 2,7 mios en 2009

En quoi les investissement mentionnés sont «hasardeux», on ne le saura pas. Toujours les mêmes affirmations non argumentées. Et en ce qui concerne l'ex-EPA, il aurait été possible de faire mention de la promesse de rachat d'une partie de ce bâtiment, susceptible de rendre cet investissement plus sûr à court terme… même si moins rentable à long terme. Quant aux crédits d'étude, ne devrait-on pas se féliciter que l'administration, prudemment, ne se fie pas à son seul jugement avant de proposer au Conseil communal la réalisation de projets ?

Elle a également «accumulé» en attribution aux fonds & financements spéciaux ainsi qu'en amortissements la coquette somme de 35,5 mios.

Le texte met «accumulé» entre guillemets; le lecteur moyen n'y fera pas attention, et se dira que la commune est vraiment assise sur un tas d'or ! Et face au lecteur averti qui fera remarquer que ces fonds et ces amortissement sont entièrement comptables, fictifs , ils se seront couverts («Mais on a mis des guille­mets»). Alors disons-le clairement: il n'y a nulle par un coffre-fort contenant 35,5 millions, étiqueté «fonds, financements spéciaux et amortissements», ce ne sont que des lignes dans la comptabilité communale, qui ne valent pas un centime ! Une tromperie de plus, volontaire et vaguement hypocrite.

Mettre Vevey en panne et couper dans les services à la population

«En vérité, il faudra à la Municipalité un peu de courage pour reprendre son plan d'investissements et y trouver les potentiels d'économies, car ils existent. Quant aux élus de droite, ils sauront le moment venu faire entendre leur voix afin de proposer des économies ciblées, réfléchies et concrètes lors de l'élaboration du budget 2011.» (JD)

Depuis le début de la législature, le plan des investissements est resté le même dans ses points essentiels; chaque année, il a été examiné par la commission des finances. Les membres des partis référendaires avaient donc tout loisir de préparer des propositions précises concrétisant les «potentiels d'économies», qu'ils auraient pu présenter dans la présente campagne. La seule critique (voir ci-dessus) de deux investissements déjà décidés ne fait pas le compte !

De même, alors que la question est posée depuis longtemps [3], ils n'ont fait aucune proposition «d'économies ciblées» en vue du budget 2010 (puisque l'éventuelle baisse du taux s'appliquerait déjà aux impôts 2010). Mais ils prétendent qu'ils vont le faire pour le budget 2011 ? Farce !

En présentant à la fois la proposition de baisser les impôts et les conséquences de cette proposition, les partis de droite auraient mis les citoyen·ne·s devant un réel choix. Au contraire, ils ont tout fait pour laisser croire que baisser les impôts serait anodin et n'aurait aucun impact sur la vie de la cité. Ce qui est manifestement faux.

Un débat public, bonne idée… Un peu tardive peut-être ?

Un débat public serait dans ce cadre une bonne chose et le comité référendaire l'appelle de ses voeux. (JD)

Etrange façon de proposer un débat public que de le faire par un blog ! Ou bien la proposition a-t-elle été faite de façon un peu moins confidentielle ? Mais à qui ? Et ne serait-elle pas un peu tardive ?

Conclusion:
Aucun des arguments des référendaires ne tient debout. Il ne présentent pas du tout un projet pour la commune, mais parient sur l'égoïsme à courte vue qu'ils attribuent aux citoyen·ne·s. Certain·e·s appellent ça faire de la politique. Nous pas !

Version pdf

1. On trouve sur ce blog un vote pour ou contre le maintien du taux d'imposition. A ce jour (25 février 2010), 8 votes, tous contre. Ce qui témoigne d'une audience limitée en nombre et circonscrite politiquement…

2. Les mécanismes de compensation intercommunale sont complexes, et intègrent plusieurs critères, d'ailleurs en cours de révision: effort fiscal (taux d'imposition) capacité financière (recette fiscale par habitant) et population. Dans le cas particulier, la capacité financière était seule à avoir augmenté, ce qui a provoqué une hausse importante des montants à verser pour la péréquation et la facture sociale. Une fois l'erreur connue et le remboursement entamé par la commune de Vevey, le Canton a aussi, de son côté, réduit ses factures et remboursé ce qui avait été versé en trop par la commune. Au bout du compte, ces mécanismes ont réduit l'ampleur de la variation.

3. La proposition de baisser le taux d'imposition avait déjà été formulée en 2007 et 2008 (pour 2008 et 2009).

(24 février 2010)

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